Les années caté, parlons-en !
Un changement de vocabulaire
Le changement de vocabulaire vise toujours à un changement de pratique, sinon il s’agit d’un effort inutile. En l’occurrence, par l’appellation des 1ère, 2ème et 3ème années, on voulait tenir compte des parcours de foi divers des enfants qui nous sont confiés, et ainsi séparer évolution spirituelle et niveau scolaire. En effet, un enfant qui commence la catéchèse en CM2 n’a pas les mêmes besoins et les mêmes attentes que son camarade du même âge, fidèle à la pratique dominicale, ayant reçu une catéchèse familiale, suivi l’éveil à la foi et deux années de catéchèse et qui a pu commencer à communier l’année précédente.
Pourquoi ?
Le Projet global de catéchèse de 2008 insistait ainsi sur une catéchèse en fonction des étapes de la vie, avec pour conséquence pratique le fait de former des groupes qui mélangent des âges différents en fonction du parcours de foi. Dans cette perspective, l’enfant de CM2 débutant est appelé à rejoindre le groupe de première année de catéchèse.
Toutefois, en de nombreux endroits, le changement de terminologie n’a pas été accompagné par un changement de pratique : on a simplement rebaptisé le groupe des CE2, « 1e année ». Trois raisons (entre autres) peuvent expliquer cela :
- Le faible nombre d’enfants aux parcours particuliers n’a pas conduit à changer le schéma linéaire classique ;
- L’envie des enfants de rejoindre les jeunes de leur âge (amis, camarades…) et de ne pas être déclassé dans un groupe où les plus petits sont encore majoritaires ;
- La difficulté pratique pour l’animateur à gérer des groupes hétéroclites : concentration, lecture, connaissances, activités…
Par ailleurs, il a pu être proposé d’accompagner collectivement un enfant d’un groupe de catéchèse vers un sacrement (par exemple le baptême) en utilisant le parcours pour tout le groupe.
Et alors...
Ces constats nous invitent à nous interroger. « Il s'agit […] de savoir si notre langage n'est pas mensonge au moment même où nous croyons dire vrai, si les mots ont une chair ou s'ils ne sont que des coques vides, s'ils recouvrent une réalité plus profonde ou s'ils ne sont que poursuite du vent[1]. »
Le document récemment promulgué Les nouvelles orientations catéchétiques (cf 1.3.3) permettent de faire un pas de plus. Elles recommandent de former les groupes de catéchèse par classe d’âge (âges identiques ou voisins). La catéchèse ordinaire se vit donc avec les personnes du même âge, malgré les évidentes disparités de maturité spirituelle. L’annonce systématique du kérygme au cours des séances de catéchèse permet à chacun d’entrer dans l’intelligence du mystère.
En parallèle, les itinéraires vers les sacrements réunissent des enfants d’âges divers, mais avec le même projet. Pour un temps, au cours de plusieurs rencontres, ils font route ensemble, reçoivent le même sacrement et sont invités à en témoigner dans leur groupe et en dehors.
Toujours avec souplesse, sans craindre de tomber dans la novlangue orwellienne, laissons-nous la possibilité de donner du sens à notre vocabulaire et d’avoir sans cesse le souci du bien des enfants qui nous sont confiés.
Emmanuel Barsu, prêtre
[1] Albert Camus, Œuvres complètes, Vol I, p. 901-910, « Sur une philosophie de l’expression », Poésie 44, janvier-février 1944.