Quand on est mort, est-ce qu’on va au ciel ?
Pas de métaphore
Première conviction, la logique simple des enfants ne correspond pas à nos affirmations atténuées sur la mort. Vouloir expliquer que le grand-père est désormais « une étoile dans le ciel », qu’« il est parti » ou encore qu’il est « au ciel », voire qu’il « dort », ne peut pas constituer une réponse adéquate pour un enfant qui voudra aussitôt savoir quand son grand-père rentrera ou se réveillera ou bien redescendra.
Les psychologues attirent notre attention sur le fait que bien souvent la gêne des adultes provient de leur difficulté personnelle à envisager le sujet de la mort. Employer des expressions floues et douces peut constituer un refuge commode, mais cela empêche de répondre, d’abord pour soi-même, à la question du devenir des morts.
Avouons que la liturgie ne nous aide pas beaucoup, elle qui parle de « nos frères et sœurs défunts », de « ceux qui ont quitté ce monde », de ceux « qui dorment dans la paix » et « qui reposent dans le Christ » ou encore de ceux « qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection ».
Une curiosité un peu gênante
Si l’on entreprend, par exemple au cimetière d’expliquer les effets de la mort sur une personne en parlant de la séparation du corps (que l’on voit) et de l’âme (que l’on ne voit pas), naturellement les interrogations se feront plus précises. L’imagination prendra ainsi le relais pour se représenter l’évolution du corps privé de vie que l’on a enterré. La réalité biologique, loin d’effrayer les plus petits, est source d’une curiosité qu’il faut sans doute modérer un peu.
Décrire le voyage de l’âme vers Dieu après la mort ouvre une autre série de difficultés qui tiennent cette fois-ci aux limites du vocabulaire et de nos représentations. Il est toutefois possible de le faire en conservant un langage simple et clair. On pourra parler du Ciel comme une image, expliquer qu’il s’agit de l’endroit où se trouve Dieu… Notons en passant que l’existence de l’âme privée du corps n’est pas une situation définitive. Comme Jésus Christ, nous sommes appelés à ressusciter afin que corps et âme soient de nouveau réunis (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 992-1004). Ce sera la fin du monde, tout un programme !
Quand un proche meurt
Le fait d’avoir pu parler à son enfant de la mort de façon générale avant qu’elle ne touche un membre de la famille proche facilite bien-sûr l’annonce. Se pose ensuite la question de laisser ou pas l’enfant voir le corps du défunt et participer aux funérailles. Selon l’âge, le caractère et le contexte, il est difficile de donner une réponse unique et simple à la question. Retenons toutefois trois repères : il est dangereux de vouloir cacher la mort ; l’enfant a besoin d’être associé aux rites qui entourent le décès ; la contrainte est contre-productive.
Le fait de voir le corps du mort permet à l’enfant de constater par lui-même qu’il s’agit d’un état particulier, différent du sommeil. La participation à une partie des rites funèbres lui permet de sentir qu’il fait partie de la famille, que la relation peut se poursuivre d’une autre façon. En tous les cas, contraindre un enfant à faire une chose ou l’autre risquera surtout de le perturber.
L’espérance chrétienne, une chance
Tout en veillant à ne pas minimiser la rupture que la mort induit, notre espérance chrétienne nous fournit une vision positive, ou du moins réconfortante, de ce passage qui est la voie de tout homme. C’est probablement en parlant de ces sujets que nous pouvons réaliser toute la richesse et l’originalité de notre foi chrétienne.
Confesser la mort et la résurrection de Jésus Christ ouvre des perspectives inouïes qui changent à la fois notre façon de vivre et de mourir. Un bonheur sans fin, une proximité avec tous ceux qu’on aime, voilà des perspectives qui consonnent avec un esprit d’enfant !
Pour finir, l’une des clés du dialogue avec les plus petits repose sur l’écoute attentive et respectueuse de leurs interrogations et de leurs raisonnements : n’anticipons pas leurs questions ou leurs supposées craintes. Cela nécessite aussi de faire l’effort pour soi d’une plus grande intelligence de la foi, au risque de devoir répéter les réponses plus ou moins bonnes que l’on a reçues lors de sa propre enfance !
Emmanuel Barsu, prêtre