La nouvelle traduction du Missel romain : intérêts et enjeux — Pastorale liturgique et sacramentelle

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La nouvelle traduction du Missel romain : intérêts et enjeux

Voici un article de fond rédigé par l'abbé Jérôme Boucher sur les enjeux de la nouvelle traduction du Missel romain.

Quand les paroles de la liturgie expriment la foi de l'Eglise.

La nouvelle traduction du Missel romain, qui traduit le Missale romanum, editio typica tertia de 2002, entrera en vigueur dans tous les pays francophones le premier dimanche de l’Avent. Pourquoi cette date ? Parce que ce dimanche-là marque le début d’une nouvelle année liturgique. La nouvelle traduction introduit des changements qui bousculeront, quelque peu, nos habitudes. Cette nouvelle traduction sera une opportunité pour tous, prêtres et fidèles, de redécouvrir la richesse de la liturgie eucharistique.

Elle est l’aboutissement d’un long travail commencé par une première équipe en 2002 puis remplacée par une seconde en 2007, plus étoffée avec des membres des pays francophones. Elle prendra le nom de COMIRO (Commission du Missel Romain). C’est donc celle-ci qui mènera à bien la présente traduction du Missel romain.
Elle a été adoptée puis approuvée par les évêques des pays francophones en pensant aux fidèles qui participeront à la messe dominicale avec la nouvelle traduction du missel romain. Tous les formulaires contenus dans le missel sont formulés dans un style simple, apte à être cantillés et surtout à être priés.
Ce travail s’est prolongé sur une période de douze années pour en recevoir la “confirmatio“ (confirmation) de la Congrégation du Culte Divin et la Discipline des Sacrements le 1er octobre 2019.

Sans doute, dès sa parution et dans les années à venir, cette nouvelle traduction donnera lieu à des débats puisqu’elle suscite, de fait, des enjeux rituels, ecclésiologiques et doctrinaux. Notons, par exemple, l’emploi du mot “tendresse“ de Dieu dans les oraisons pour traduire la qualité de “pietas“ de Dieu, le consubstantiel dans le Credo de Nicée-Constantinople, la question du sacrifice et du langage sacrificiel et ses interprétations diverses, le Mystère pascal qui va de la Passion-Résurrection à la naissance de l’Eglise comme corps. Il y aura sans doute un débat ecclésiologique avec la traduction plus littérale de l’Orate fratres. Un autre enjeu sera sans doute plus pastoral avec sa réception par les fidèles, les ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres.

L’Orate fratres  (traduction la plus proche du latin, le texte originel) :
Priez, frères et sœurs, que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant.
R/ Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom et celui de toute l’Eglise.

La nouvelle traduction offre l’opportunité de rappeler que le Missel romain est un livre construit pour la célébration de la messe. Il n’est pas un document confidentiel. Chacun peut l’ouvrir et s’y intéresser. Mais il est plus particulièrement donné pour ceux qui, dans la liturgie, assurent un service ou un ministère : le service du chant, de l’accueil… et ceux qui doivent mettre en œuvre un ministère, ordonné pour les uns, évêques, prêtres et diacres ou ministère institué pour d’autres, celui de lecteur et/ou d’acolyte. Ces ministères institués, rappelons-nous que le pape François, dans son Motu Proprio Spiritus Domini, les a ouverts aux femmes. Le Missel romain permet donc à chacun d’accomplir au mieux sa fonction, en lien avec celui qui préside la messe, pour qu’une bonne coordination soit assurée. Ainsi, la lit-urgie, peut-être mise en œuvre correctement et aider chacun à prier.

Si la nouvelle traduction traduit le texte original avec des mots plus « inculturés »  à notre temps et à notre histoire, elle entraîne des changements concrets dans différents temps de la célébration de la messe. Ce sont donc ces changements que nous allons observer maintenant de plus près.

Notons d’abord le changement ou plutôt la révision des différentes prières de la messe (collecte, prière sur les offrandes, prière après la communion), les préfaces eucharistiques et les dialogues rituels. La COMIRO a travaillé en profondeur ces textes latins pour nous en donner une traduction plus ajustée au texte source.

Ensuite, il est fait clairement mention de l’importance du silence. Il devient un acte liturgique comme l’est la proclamation de l’Évangile. La Présentation Générale du Missel Romain (PGMR) dit toute l’importance du silence pour la réception fructueuse de la Parole de Dieu. Le silence offre ainsi le temps d’accueillir et de méditer la Parole de Dieu et de rendre grâce après la réception de la communion.

Le troisième changement, nous le trouvons dans le symbole de Nicée-Constantinople. Le terme « consubstantiel » vient remplacer la locution « de même nature ». En effet, le terme « consubstantiel » veut exprimer l’identité de substance entre le Père et le Fils au cœur de la vie trinitaire. Il s’agit là d’un article de foi. Le Credo, appelé symbole des apôtres, n’a pas, lui, connu de modifications.

Dans la suite de la célébration eucharistique, nous parvenons à la préparation des dons (termes qui n’existent pas dans l’editio typica tertia) et à la prière sur les offrandes. La nouvelle traduction manifeste mieux que Dieu est à la source de ce que nous lui offrons sous la forme du pain et du vin.

quia de tua largitáte accépimus Nous avons reçu de ta bonté
panem quem, vinum quod le pain le vin
tibi offérimus, que nous te présentons

La traduction « Nous avons reçu de ta bonté » est heureuse tandis que la traduction de tibi offérimus  est une substitution plus ou moins orientée car présenter se dit praesento, are. Quant à offerre, selon le dictionnaire Gaffiot, il se traduit bien par offrir. Voilà un exemple d’inculturation ou d’adaptation car on a pensé que nous te présentons serait mieux reçu et compris dans son acception de la théologie du don plutôt que le nous t’offrons qui appartient, lui, plus au langage et à la théologie du sacrifice.

Nous parvenons maintenant à un cinquième changement, plutôt un ajout dans les paroles de la consécration. Désormais « il dit la bénédiction » sera ajouté au formulaire de consécration. Cet ajout nous convoque à nous souvenir que Dieu est la source de toute bénédiction.

Ensuite, le sixième changement auquel nous serons sensibles sera l’invitation à la communion. Nous entendons dorénavant ces paroles : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau » (cf. Ap 22,9). Elles expriment le mystère de l’Alliance avec Dieu. Il y a ici plus qu’une métaphore. Le théologien Urs von Balthasar en parle comme d’une ouverture eucharistique des consciences les unes par rapport aux autres. Il souligne qu’étant invités à ces « noces », nous créons une véritable communion fraternelle. Ainsi, dans l’Eucharistie reçue et consommée, le don du Christ pour nous devient une nourriture substantielle.

Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau.

Si nous poursuivons l’observation des changements qu’entraine avec elle la nouvelle traduction, il y en a aussi dans les différentes prières eucharistiques, dans l’embolisme du Notre Père et le rite de conclusion de la messe.

Prenons l’exemple de la prière eucharistique II à laquelle, tant les prêtres que les fidèles, sont habitués à entendre et à prier.
Jusqu’à maintenant,

Nous entendions Nous entendrons
Souviens-toi aussi de nos frères
qui se sont endormis
dans l´espérance de la résurrection,
et de tous les hommes qui ont quitté cette vie:
reçois-les dans ta lumière, auprès de toi.
Souviens-toi aussi de nos frères et sœurs qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection, et souviens-toi, dans ta miséricorde, de tous les défunts, accueille-les dans la lumière de ton visage.

Ou encore, comme nous l’indiquions plus haut, les changements dans l’embolisme (l’embolisme développe et amplifie la dernière demande du Notre Père) sont notoires

Délivre-nous de tout mal, Seigneur,
et donne la paix à notre temps ;
par ta miséricorde,
libère-nous du péché,
rassure-nous devant les épreuves,
en cette vie où nous espérons le bonheur
que tu promets et l'avènement
de Jésus Christ, notre Sauveur.
Délivre-nous de tous mal, Seigneur,
et donne la paix à notre temps :
soutenus par ta miséricorde,
nous serons libérés de tout péché,
à l’abri de toute épreuve,
Nous qui attendons que se réalise
cette bienheureuse espérance :
l’avènement de Jésus Christ
, notre Sauveur

 

Pour conclure notre propos sur la nouvelle traduction du Missel romain, nous vous proposons un tableau (aide-mémoire) qui répertorie l’ensemble des changements opérés par celle-ci. Que ce soit, pour tous, fidèles laïcs et ministres ordonnés, une occasion favorable de redécouvrir ce que le Seigneur nous a dit de « faire en mémoire de Lui ».

 

Salutation Que la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus, le Christ, soient toujours avec vous.
Acte pénitentiel Frères et sœurs, préparons-nous à célébrer le mystère de l’eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.
+ changements dans les 3 formules
Gloria On a traduit le mot latin peccata par les péchés et non plus par le péché.
Prière d'ouverture La collecte se terminera de manière habituelle sauf qu’on ajoutera, en apposition, Dieu.
Ex : Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur, qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit, Dieu, pour les siècles des siècles.
Bénédiction du diacre par le prêtre Que le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres pour que vous proclamiez dignement son Évangile : au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Symbole de Nicée-Constantinoble La traduction de consubstantialem Patri  par de même nature que le Père est remplacée par consubstantiel au Père.
Préparations de dons Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le pain que nous te présentons, fruit de la terre et du travail des hommes ; il deviendra pour nous le pain de la vie.
Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le vin que nous te présentons, fruit de la vigne et du travail des hommes ; il deviendra pour nous le vin du Royaume éternel.
Prière secrète du prêtre on précise : Le cœur humble et contrit, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous : que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi.
Prière sur les offrandes Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant.

R/ Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église.
Prière eucharistique
  • Dans les préfaces



     
  • Dans les prières eucharistiques I, II, III, I V

     
  • Anamnèses



On trouvera maintenant : Vraiment il est juste et bon, pour ta gloire et notre salut, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, Seigneur, Père très saint…


des changements dans chacune d’elles


« Il est grand le mystère de la foi » a été revue ; « Proclamons le mystère de la foi » est inchangée ;
Proposition de 2 nouvelles.
Notre Père La nouvelle traduction de la sixième demande, entrée en vigueur le 3 décembre 2017, est plus fidèle au texte originel : Ne nous laisse pas entrer en tentation.
Agnus Dei Dans le chant de la fraction, comme dans le Gloria, l’expression - le péché du monde -  a été remplacée par son pluriel,  les péchés (peccata).
Invitation à la communion La nouvelle traduction du Missel romain rétablit l’ordre des mots tel qu’il se présente dans l’édition typique en latin.
Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau !
Prière après la communion Habituellement, elle se termine ainsi : Par le Christ, notre Seigneur. – Amen !
- Si elle s’adresse au Père, avec mention du Fils à la fin : Lui qui vit et règne pour les siècles des siècles. – Amen !
- Si elle s’adresse au Fils : Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles. – Amen !
Rites de conclusion Dans la bénédiction finale, la conjonction et a été introduite entre le Père et le Fils : Que Dieu tout-puissant vous bénisse, le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit.

Introduction de 3 variantes pour le renvoi de l’assemblée

 

père Jérôme BOUCHER
prêtre-accompagnateur du service diocésain
de Pastorale Liturgique et Sacramentelle

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