Homélie du père Maurice Bez — Doyenné 02 / Banlieue - Val de l'Ognon

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Homélie du père Maurice Bez

Dimanche 11 février 2024 - 6ème dimanche du Temps ordinaire – Année B

(Lévites 13, 1… ; Ps 31 ; 1 Cor 10, 31 – 11,1 ; St Marc 1, 40-45)

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On sait la situation des lépreux au temps de Jésus. La 1ère lecture, du Lévitique, nous le confirme. Ils vivaient à l’écart des villages et des habitations, obligés de signaler leur présence pour éviter tout contact avec des passants.

Et voilà que Marc raconte un fait qui s’est produit à la vue de tous ceux et toutes celles qui accompagnent Jésus.

Un pauvre lépreux se jette aux pieds de Jésus car il n’en peut plus d’être mis à l’écart de la société comme c’était le cas chez les juifs au temps de Jésus. La lèpre était considérée comme une punition à cause des péchés, comme une impureté dont on devait se protéger et comme une maladie honteuse. Il suffit de lire la 1ère lecture.

« Jésus le toucha ». Les lépreux étaient non seulement intouchables par crainte de la contagion, mais en plus, ils étaient considérés comme des « impurs » au regard de la loi religieuse. Le Lévitique rappelle qu’ils devaient crier lors de leurs déplacements ou quand ils entendaient des gens venir : « Impur ! Impur ! » Cela veut dire qu’ils étaient interdits de Temple et de synagogue, loin des hommes et loin de Dieu. Mais en même temps tout contact avec eux rendait également impur…

Ils devaient avoir les « vêtements déchirés » ; porter les cheveux en désordre : les voilà devenus des morts vivants.

Et ce lépreux a l’audace de crier sa foi, au lieu de dire « Impur ! » Il crie : « Si tu le veux, tu peux me purifier ! » Jésus étends la main et le touche. Jésus sait qu’il va contre la loi, il ne peut toucher un lépreux et dans ce cas, il devient lui-même impur. Je dirais même que Jésus prend sur lui la lèpre. Il subit les conséquences de la loi. On faisait du lépreux un a-social, devant vivre à l’écart, loin de toute habitation...

J’aime ce geste de Jésus, il casse les tabous, va au-delà de ce qui est interdit pour rendre à l’homme sa dignité, le remettre dans le circuit social , en refaire un vivant parmi les vivants.

Mais Jésus va désormais « être obligé d’éviter les lieux habités », non pas parce qu’il est devenu lépreux, mais on commence à le rejeter… et cela jusqu’à la croix.

Jésus veut vaincre l’exclusion.

L’homme guéri va retrouver sa place au milieu des vivants. Jésus l’envoie au temple pour qu’un prêtre constate la guérison et reprenne sa place dans la société, c’était la loi.

Cet évangile m’interroge. Nos sociétés si avancées et si démocratiques soient-elles, engendrent bien des exclusions. De plus la compétition économique et sociale si poussée est favorable aux plus riches et aux plus doués, mais fatale aux plus pauvres de culture et de formation, ou encore d’éducation, et même parfois d’apparence extérieure : le look ! Ne parlons pas des préjugés racistes qui n’ont pas disparu, ni de la peur ou des rejets… qui sont encore aujourd’hui à la racine de violences sociales.

Il y a encore des catégories de gens qui sont, à nos yeux, des pestiférés : les sortis de prison. Nous apprenons de cet évangile que personne n’est exclu de Dieu : les sans domicile fixe, etc, chacun peut compléter la liste.

Nous apprenons de cet évangile que personne n’est exclu de Dieu . On dit aussi que la guérison du lépreux de Capharnaüm est bien « pour les gens un témoignage » que le Royaume de Dieu est arrivé.

On a souvent vu, à travers la lèpre, le péché de l’homme. Les premiers chrétiens proclament à leurs contemporains qu’il n’y a personne d’exclu au salut de Dieu. Ils savent que Jésus est venu pour les pécheurs, les malades et non pour les bien-portants. « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin , mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ». (Marc 2, 17).

La guérison du lépreux nous enseigne qu’à la suite de Jésus, avec la grâce de Dieu , le mal peut être vaincu. En cette journée mondiale de la Santé, rappelons-nous que l’espérance nous tourne avec confiance vers un monde meilleur.

« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».

Maurice B.

Poser un geste fraternel…

La semaine dernière, Jésus posait un geste de guérison dans l'intimité d'une famille. Ce dimanche, Marc nous le présente agissant au grand jour conduit par la pitié et la compassion, fruits de son amour. Ces attitudes de Jésus ne pourraient-elles pas nous guider pour, nous aussi, poser un geste ?
Le Lévitique nous décrit en détail la vie - mais peut-on encore appeler cela une vie ?- nous décrit l'exclusion, l'humiliation de la personne porteuse de la lèpre. Éviction de la ville et de la société, perte de toute relation, errance… en plus de la dégradation et des souffrances physiques, la personne lépreuse vit la négation de son existence sans issue, sans espoir.
Et que voit-on dans l'évangile ? Jésus, lui-même sujet de la loi de Moïse, face à un homme souffrant, physiquement et socialement de cette maladie, exclu par ce qu'impur. S'en approcher est déjà être impur. Le toucher, c'est s'exclure soi-même du monde. Et pourtant, à la demande du malade, Jésus, pris de compassion, remué au plus profond de lui par le désarroi de l'homme, par l'injustice et les comportements excessifs, se laisse approcher et… il le touche ! Si loin qu'il soit, Jésus va le rejoindre dans son exclusion, il descend jusqu'au fond de sa misère pour le retrouver, le tirer par la main, le rendre à la vie, à Sa vie et le replacer dans la communauté en le guérissant et en l'envoyant vers les prêtres.
Mais le geste le plus important n'est pas la guérison qui n'est qu'un signe, le geste le plus important est ce toucher qui purifie. Répondant à la volonté du lépreux par ce toucher, il recrée le lien humain et social, il ouvre à l'espoir et à l'avenir. Un geste qui redonne vie. D'ailleurs Jésus refuse que, seule, la guérison soit reconnue, il ne veut pas être un guérisseur, un magicien de plus. Ce geste demande, comme le fait Marc, qu'il soit relu, plus tard, après une reconnaissance, une pâque, que Jésus sait qu'il devra vivre comme fils, d'une façon ou d'une autre. Un geste relu comme une parabole de ce qui peut être posé en réponse au malheur, un geste qui purifie, qui sauve et qui offre la vie après la vie. Un geste qui dit la tendresse d'un frère née dans l'amour du Père.
Aujourd’hui la lèpre a reculé grâce à la médecine et à l’action de Raoul Follereau, du Père Damien et de ceux qui poursuivent leurs actions. Mais d’autres formes de lèpres modernes sont apparues. Quelles sont ces lèpres du XXIe siècle qui voient des enfants, des femmes, des hommes exclus, mis au ban d'une société sécuritaire, hygiéniste et peureuse? Qui sont-ils?
•    L'étranger, le migrant, l'immigré
•    La personne sans abri, celle sans revenu ou la mal logée,
•    La victime de dépendances et d'addiction, le malade âgé,
•    Le handicapé physique ou mental,
•    Le chômeur de longue durée,
•    L'ex prisonnier sorti de prison…
Quelles sont pour moi les personnes avec qui j'ai tant de mal à communiquer parce qu'elles sont trop différentes et brisent mes repères rassurants en survivant en marge de la société? …………………… Aujourd'hui la lèpre se soigne, alors qu'est-ce qui excluent ? La langue, la religion, la pauvreté, le manque d'hygiène, le manque d'éducation, une façon de vivre étrange, une autre façon de se vêtir, un niveau de revenu ?......................
Comme chrétien, nous avons à vivre notre baptême, à la suite du Christ, comme lui dans la prière, la célébration et la charité. Allons-nous, à notre tour, oser le geste ? Oser aller au-delà du regard ou du sourire qui initient un lien pour poser un geste ? Un geste qui dit la dignité de la personne face à moi, un geste qui redonne espoir en l'homme, un geste qui sauve parce qu'il repousse l'exclusion en signifiant la valeur du vivant, un geste qui relie, dit une fraternité et non plus une dépendance ni une condescendance.
Certes il est différent de moi, certes son accoutrement me choque et me dérange, certes elle m'impressionne et la crainte commence à m'envahir mais n'est-elle pas femme, n'est-il pas homme, enfant ou âgé, handicapé ou perdu dans son monde. Est-il juste qu'ils soient isolés, exclus, rejetés conséquence d'une vie qu'ils ont rarement choisie ? Ne sont-ils pas d'abord frères en humanité, frères en Christ, dépositaire de l'Esprit Saint ?
Mais, avec discernement bien sûr, je suis capable de poser ma main sur une épaule, de serrer la main tendue, de m'asseoir près d’un frère en difficulté, d’engager une vraie discussion avec une sœur coupée du monde, de ne pas changer de trottoir ni de place dans le tram ou le bus, d'offrir du temps et de sa présence. Jésus crée la condition de la réintégration du lépreux dans sa communauté. Nous aussi, nous sommes capables de faire beaucoup pour briser l’exclusion. Ici même, des personnes s’engagent dans des associations d'accueil des migrants, des sans papier ou près des Roms. Certains aident des enfants en difficultés scolaires, d'autres visitent, rencontrent, maraudent… pour rompre les isolements.
Dieu notre Père dépose en chaque personne son Esprit, il nous fait ainsi ses enfants et en chacun, vit un frère. Chacun est appelé à vivre son baptême, à sa façon avec ses charismes et ses fragilités, affermi par l'Esprit. J'ai l'audace de croire que Jésus aussi, agit à sa manière, dans le secret, en chacun de nous, en vous, en moi, pour nous donner sa force, son courage et nous inviter à rejoindre nos frères. Osons croire qu’il agit tout autant en chaque homme.
Par un geste posé en vérité, d'égal à égal, entre frères, nous pouvons révéler à ceux qui ne croient parfois même plus en eux-mêmes leur valeur, leur dignité et réveiller leur espérance. Que nous soyons exclu ou bien intégré, réside en nous l'Esprit donné par ce Père aimant et c'est là que nous trouvons la source de ce geste à poser avec un infini respect qui ouvre à une rencontre vraie, précieuse, essentielle, qui redonne la joie d'exister au milieu des hommes.