♦ L'église de la Sainte Trinité à Bonnevent-Velloreille
Jean-Luc Denoix revient sur le projet de la Fondation du patrimoine et nous partage l'histoire de l'église de la Sainte Trinité de Bonnevent-Velloreille.
Fondation du Patrimoine
Sur l’ensemble du territoire, 5000 édifices religieux sont dans un état sanitaire qui fait craindre pour leur pérennité et nécessite une intervention urgente. Le vendredi 26 avril, la liste des 100 premiers édifices religieux qui bénéficieront des fonds collectés lors de la souscription lancée en septembre par le Président E. Macron, a été divulguée. Huit édifices de Bourgogne-Franche-Comté font partie de cette première liste, en fonction de leur intérêt patrimonial, del’urgence, mais aussi en fonction de l’usage, qui doit s’ouvrir aux concerts, expositions et conférences. Parmi ces huit édifices, figure l’église de la Sainte Trinité de Bonnevent-Velloreille.
Les travaux de réfection de la toiture sont en passe d’être achevés, mais l’état de la façade mérite d’être retouché.
Parmi les travaux effectués, hormis la toiture bien visible, un nettoyage du « grenier » au-dessus des voûtes et un éclairage sécurisé permettent d’accéder librement dans cet espace pour palier à des dégâts susceptibles de survenir.
La prochaine tranche de travaux concerne la façade. Après un échafaudage spectaculaire, est prévu le remplacement des abat-sons, dont certains sont en métal, la réfection d’un petit vitrail, mais surtout le ravalement de la façade qui devrait redonner tout son lustre à ce monument. Également les porches qui ornent la façade.
La réouverture de cette église pour le culte n’interviendra pas avant 2025.
La sélection de l’église de la Sainte Trinité de Bonnevent-Velloreille est certainement due à certains facteurs :
- tout d’abord, la volonté de la municipalité, présidée par Madame Josiane Cardinal, qui avait déjà engagé les travaux de réfection du toit,
- mais aussi aux dossiers déposés à la Fondation du Patrimoine, à la Fondation de Berne, aux dons des particuliers.
Rappelons à cet effet que des versements à la Fondation du Patrimoine peuvent être encore faits pour cette tranche de travaux jusqu’en juin 2024. Ils sont déductibles des impôts à hauteur de 75%.
Jean-Luc Denoix
Paroisse des Rives de l'Ognon
Rappel historique
« Le premier septembre 1845, M. Antoine fut nommé curé de Bonnevent. C’était un homme intelligent, érudit, savant dans les langues orientales, mais encore plus admirable par l’ardeur de son zèle et la force de sa volonté. C’est à lui que revient l’honneur d’avoir entraîné les habitants de Bonnevent et transfiguré leur commune.
Dès le 26 octobre 1845, poussé par leur curé, le conseil municipal déclara l’urgence des travaux. M. le curé ouvrit immédiatement une souscription et versa 500 Frs le premier. Les habitants y répondirent comme ils le devaient, en souscrivant, les uns pour l’extraction, les autres pour la conduite des matériaux, en un mot, chacun pour ce qu’il pouvait faire. Ils prouvèrent pendant 19 années consécutives ce que peut la bonne volonté soutenue par la foi.
M. Antoine voyait toute l’immensité de son entreprise, il comprenait qu’il fallait habituer petit à petit ses paroissiens à se prêter volontiers à toutes les démarches pour lesquelles on peut se passer des ouvriers d’état.
M. Colard, architecte à Gray avait été chargé de dresser les plans, mais M. Antoine les refusa. Il obtint la destruction totale de l’ancienne église pour en bâtir une pouvant contenir 350 personnes, c’est-à-dire la totalité des paroissiens de Bonnevent et Velloreille pouvant assister aux offices.
Il fallait courage et persévérance pour mener à bien une telle entreprise. Il aurait fallu voir tous les habitants se mettre avec joie et empressement, sous la conduite de leur curé, à démolir l’ancienne église, à trier et ranger avec ordre les matériaux.
Une partie de la population demanda de bâtir la nouvelle église sur un autre terrain, situé entre les deux villages. Mais outre la vénération que méritait l’emplacement de l’ancienne église, où depuis plus de 800 ans on offrait le saint sacrifice de la messe, il y avait à la situer près des cendres de tant de générations passées.
Enfin, le 29 juin 1848, on posait la première pierre de l’église.
Au fur et à mesure que s’élevait l’église, tous les bienfaiteurs pouvaient dire en voyant notre église : voilà mon œuvre, j’y ai concouru, j’y ai placé ma pierre.
Montrant concrètement l’exemple, il amena les paroissiens à faire plus qu’ils n’avaient promis. Les fondations furent creusées par eux, la pierre fut tirée par eux (à Bucey, 15 kms), amenée par eux (ces continuels transports de matériaux étaient ce qui coûtaient le plus aux paroissiens), montée sur les échafaudages par eux. Pour cela, tout le monde était bon, vieillard, hommes dans la force de l’âge, jeunes gens, jusqu’aux femmes et enfants. Et malgré les difficultés, tout vint gratuitement, et sans avoir recours à aucune pression sur les habitants.
Le même entrain a régné jusqu’à la fin de toutes les constructions, aussi bien des écoles des filles et des garçons que de l’église, des flèches et des murs du cimetière, c’est-à-dire pendant 18 ans. Tout ceci en menant de front les travaux saisonniers dans ce village agricole.
M. Antoine voulait que « ma maison soit une maison de prière », non une salle de spectacle ou un salon. Aussi choisit-il le style ogival, du Moyen-Âge, dont la renaissance avait commencé en 1840 en Normandie. Il voulait une église majestueuse, qui élève l’esprit et le cœur vers Dieu, vers le ciel. Il faut qu’elle nous sépare de la terre pour nous introduire dans la cité de Dieu. Elle doit inviter le passant à s’arrêter, voire à entrer.
L’église de Bonnevent, par sa simplicité et son massif, semble appartenir au XIIIe siècle, traçant au sol la Croix latine.
L’ancien clocher, initialement conservé, fut abattu ultérieurement.
Particularité, la charpente est en lamellé-cloué, et à l’automne 1849, on la couvrait, pendant que les grandes villes faisaient couler le sang.
Cependant, l’église n’absorbait pas totalement cet infatigable curé. Il faisait tout marcher en même temps : une école de filles, la rétribution de l’institutrice, la rénovation de l’école des garçons, le presbytère. En même temps, M. Antoine faisait exécuter à Saint-Germain-les-Lure, son pays natal, les tympans, la rose, la table de communion, la chaire…
M. Antoine pouvait compter aussi sur la solidarité financière de ses confrères pour mener à bien ses entreprises.
Victime du choléra, il rendit son âme à Dieu le 21 août 1854 sans avoir vu l’achèvement des travaux.
L’auteur de ces lignes lui succéda avec la lourde tâche de terminer l’édifice, les écoles, ... dissipant l’inquiétude des paroissiens.
Sa première visite pastorale coïncida avec le jubilé pour la définition du dogme de l’Immaculée Conception, publié par Sa Sainteté Pie IX. Il fut alors décidé que l’autel de la Vierge serait dédié sous le vocable de son ImmaculéeConception.
Grâce à de généreux donateurs, le tympan de la porte principale fut achevé.
De même, la verrière de la fenêtre principale du chœur, œuvre d’un maître verrier de Metz, représentant la Sainte Trinité, fut inaugurée par nos soins à la Toussaint 1854.
Un vieillard fit don du vitrail du couronnement de la Vierge Marie qui fut posé le 1er juin 1855. On peut admirer toute la beauté et délicatesse de cette œuvre d’art.
Le tableau du retable de l’autel de la Vierge Marie la représente dans son immaculée conception, la date du 8 décembre 1854 inscrite sur sa tête.
En vis-à-vis, le vitrail du baptême de Jésus par saint Jean-Baptiste rappelle que Velloreille, avant la Révolution, était sous la dépendance de Oiselay, et les habitants de ce village tenaient beaucoup à honorer leur ancien protecteur. En effet, l’église de Oiselay est sous le patronage de saint Jean-Baptiste.
En même temps nous avons fait exécuter les deux autres fenêtres du chœur. À droite, sont représentés, saint Jean et saint Étienne, et à gauche, saint Ferréol et saint Ferjeux, les patrons du diocèse. Le chœur, avec ses trois fenêtres est un foyer de lumière qui éclaire le reste de l’église.
En 1858, trois vitraux, les boiseries du chœur, le maître-autel, les écoles, tout cela fruit de tant de pauvreté, furent achevés.
La paroisse désirait vivement voir élever la chapelle saint Blaise, saint évêque de Sébaste en Arménie, docteur par lequel, de temps immémorial, on avait obtenu tant de grâces. Grâce aux produits de l’affouage, l’aumône des paroissiens, l’ouvrage fut livré début mai 1861.
Comme au Moyen-Âge, où on bâtissait souvent du chœur vers les tours, la façade était à peine ébauchée. Après la démolition de l’ancien clocher, incapable de supporter une flèche, les tours devaient être élevées. Le conseil municipal fit don des chênes pour la charpente des flèches. Elles furent dressées suivant les plans et devis de construction, décidés que nous étions à les exécuter nous-mêmes et sans le secours d’aucun architecte, car c’était le seul moyen d’aboutir. Il fallait y passer sous peine de ne pas pouvoir faire face aux dépenses. Mais bien des personnes nous accusaient de témérité.
Elles ont 39 mètres d’élévation et sont, dans la partie supérieure, de style pur XIVe siècle. La flèche nord fut finie, sans aucun accident à la Toussaint 1862.
Enfin, en 1864, s’élevait la seconde flèche. Le voyageur, d’aussi loin qu’il aperçoit ces flèches, les regarde, elles le possèdent. Est-il au pied, il s’arrête, il se dit : c’est beau. Il est tenté d’entrer.
Le pignon de l’église recevait pour couronnement la statue de saint Michel, archange, protecteur de la France, défenseur de notre paroisse aussi bien que de tout le diocèse.
Ce fut le jeudi 29 septembre 1864, jour de la fête de saint Michel, qu’eut lieu la consécration de l’église. Toute la paroisse était en fête, avec famille, amis.
En le faisant, nous avons attiré un juste tribut de louange, d’honneur et de gloire à Celui qui seul mérite d’être loué, honoré, glorifié. »
Extraits de : L’église et les écoles de Bonnevent, H. de Gérauvillier, Curé de Bonnevent.
Extraits des Annales franc-comtoises, juin 1865.
Réduction : Jean-Luc Denoix (Paroisse des Rives de l'Ognon)
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