6ème dimanche de Pâques
Chères sœurs et chers frères,
J'espère que vous êtes bonne santé et vous profitez de ce beau soleil du week-end pour sortir un peu tout en prenant les précautions nécessaires. Nous nous portons bien et nos familles en Afrique aussi. Merci pour vos prières et vos attentions.
J'ai beaucoup hésité pour vous faire parvenir cet envoi, je le fais car je sais que vous l'attendiez avec impatience. J'ai constaté que bon nombre d'entre vous n'ont pas reçu les derniers envois. Je vous présente mes excuses de ce manque dû aux caprices de la technologie. N'hésitez pas à partager ce courrier autour de vous.
En pièces-jointes, il y a une lettre que je vous adresse de tout mon cœur comme votre pasteur et aussi, notre méditation hebdomadaire. Ci-dessous, le lien pour célébrer ce 6e dimanche de Pâques à la maison.
Et déjà, je vous souhaite des belles fêtes de l'Ascension et de la Pentecôte. Prenez bien soin de vous et de vos proches et gardons la flamme de la fraternité.
Théotime, votre frère
Voici le lien pour célébrer le 6e dimanche de Pâques à la maison.
comment-celebrer-a-la-maison-le-6e-dimanche-de-paques-17-mai-2020
Bien chères sœurs,
Bien chers frères,
Je vous espère tous en bonne santé en attendant les jours meilleurs où nous nous retrouverons pour chanter la gloire du Seigneur et nous voir en vrai, sans masques. Nous nous portons bien au presbytère et continuons à prier pour vous tous. Pensez aussi à nous dans vos prières.
Beaucoup d’entre nous, moi le premier, souffrent de la faim du Pain de vie et voudraient bien que nous reprenions les célébrations eucharistiques. Plusieurs propositions me sont parvenues qui montrent bien ce désir de revenir à la table du Seigneur. Je voudrais vous faire une lecture de ce que nous avions vécu tous ces jours de rude épreuve. Je m’appuierai sur la foi en Dieu et en l’église qui nous est commune : « Je crois en un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre… Je crois en l’église, une, sainte, catholique et apostolique. » (Symbole de Nicée-Constantinople)
Je crois en un seul Dieu
L’année 2020 a commencé comme les autres années dans la joie des fêtes, pleine de promesse. Nous menions notre vie paisiblement, nous croyant invulnérables. L’homme a maîtrisé la technique, l’homme a maîtrisé la nature, l’homme a maîtrisé l’homme. Pendant ce temps quelque chose bougeait déjà en Chine, mais les images que nous voyons dans les médias, semblaient loin de nous. Mangeons, buvons… ainsi va la vie.
Jusqu’au jour un petit microbe est venu gripper toute la vie de la planète, toute l’économie, tous les projets… nous nous sommes rendus compte que nous ne sommes pas invulnérables que nous sommes fragiles. Dans un réflexe de survie, nous nous sommes rués dans nos magasins pour faire des provisions, les rayons sont pris d’assaut, les caddies débordent. Nous avions pensé un instant à ceux qui vivent au jour le jour ? Nous nous sommes confinés, masqués. Les amoureux ne peuvent plus s’embrasser, les parents ne peuvent plus faire des câlins à leurs enfants, les grands parents sont tenus à distance, les personnes de plus de soixante-dix ans qui forment l’ossature de notre communauté, sont traitées « des personnes vulnérables » et sont obligées, les premières, à être confinées. Et nous commençons à compter les jours. Qui aurait pensé un seul instant qu’un jour il remplirait lui-même une attestation pour sortir de chez lui, pour marcher pendant une heure à 1 km de chez lui, pour aller chez son médecin, chez l’épicier du village ?
Devant notre petitesse, notre fragilité, dans nos nuits noires, il y a eu des héros. Le personnel soignant, les policiers, les gendarmes, les éboueurs, les pompes funèbres… continuaient à risquer leur vie pour nous. En reconnaissance, nous avions applaudi tous les soirs à 20h00. C’est là que moi, j’ai compris que l’humanité n’est pas morte dans le cœur de l’homme. J’ai résolu de dire chaque soir avant de me coucher : « Je crois en un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre… »
Je crois en l’église, une, sainte, catholique et apostolique
Aux premières heures du dimanche 15 mars, dans la douleur, nous avions pris la décision d’annuler la messe et nous avions écrit notre première lettre aux paroissiens (COVID-19-1). Dans cette lettre, nous écrivions entre autres : « Ce temps de « désolation » peut être, pour chacun de nous, un temps favorable pour nous recentrer sur ce qui fait l’essentiel de notre vie (lecture spirituelle, approfondissement de la foi, prière personnelle et en famille, etc.)…N’oublions pas nos aînés qui sont dans les EHPAD (un coup de téléphone pour les rassurer). »
Et vous aviez bien saisi le message. Nos maisons se sont vite transformées en églises domestiques et chaque semaine, nous avions de retour sur ce qui se vivait. Nous ressentions l’unité de l’église, de petits coins de prière dans nos maisons sanctifiés cette église qui en même temps se voulait être universelle (catholique) et chacun à sa manière devenait apôtre et voulait se rendre utile aux autres. Alors, moi, au fond de ma cellule de confiné, voyant cette discrète ferveur, je me dis en moi-même : « oui, je crois en l’église, une sainte, catholique et apostolique » parce qu’elle est là cette église et chacun de vous en est la pierre de construction. Merci pour vos prières et votre apostolat durant tout ce temps de confinement.
Et maintenant…
En attendant, nous devons consentir à nous priver, pour un peu plus de deux semaines encore, de la communion sacramentelle faute de pouvoir nous rassembler dans nos églises pour participer à la messe. Je m’émerveille d’ailleurs de ce que cette période de confinement a pu produire de beaux fruits spirituels. Un grand nombre de chrétiens ont fait à cette occasion une véritable expérience d’être une Église domestique dans les maisons. Je pense à ces familles qui, à la faveur du confinement, si j’ose dire, se sont mises à prier pour la première fois ; je pense également au « catéchisme-maison » organisé par le Service diocésain de la Catéchèse et nos catéchistes, grâce auquel des parents ont pu s’asseoir avec leurs enfants, partager et prier avec eux sous le regard de Dieu.
Que c’est beau ! J’ai à l’esprit encore ces temps si forts de prière vécus au funérarium et au cimetière à l’occasion des funérailles d’un proche : plusieurs familles nous ont dit leur vive gratitude pour ces célébrations plus sobres qu’à l’ordinaire, mais empreintes d’une belle et lumineuse espérance.
Un petit nombre d’entre vous, m’ont interpellé autour des messes dites « domestiques ». J’ai pu leur partager ma grande réserve à ce sujet, comme aussi au sujet de la distribution de la Communion en dehors de la messe. Privatiser l’Eucharistie n’est pas conforme à la pratique liturgique normale, les églises restant les lieux habituels de célébration. Et comme, de toute manière, le nombre de participants ne doit pas excéder une dizaine, le risque existe de verser dans une sorte de favoritisme en triant ceux-ci sur le volet. Au lieu de donner à voir l’image d’une Église ouverte à tous, on privilégie un esprit de club. Je ne souhaite pas non plus que soient aménagés des points de distribution de la Communion au sein de la paroisse. En soi, la Communion est indissociablement liée à la célébration elle-même de l’Eucharistie. Bien entendu, la Communion pourra être portée aux malades qui le désirent, selon ce que prévoit la plus antique tradition liturgique de l’Église.
Ne pas communier pour quelques semaines encore est une souffrance indéniable. Je sais ce qu’il en coûte à celles et ceux d’entre vous qui éprouvez plus durement que d’autres la faim du Pain de vie. Mais aussi douloureuse soit-elle, cette épreuve est une opportunité offerte à tous pour redécouvrir ce que ce sacrement de l’Eucharistie recèle de trésors cachés et nous préparer ainsi à le vivre avec une ferveur nouvelle dès que l’heure de la fin « totale » du confinement aura sonné. Comme l’a justement rappelé Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne, « nous vivons très temporairement ce que 150 millions de chrétiens – toutes confessions confondues – vivent habituellement parce qu’ils sont persécutés. Ce confinement est donc aussi une occasion de vivre en solidarité avec ces chrétiens qui sont dans l’impossibilité chronique de célébrer, ce qui ne les empêche pas de vivre leur foi » (La Croix du 30 avril 2020).
Dans le même sens, je crois important de rappeler que la dimension cultuelle de la vie chrétienne ne se réduit pas à la célébration de la liturgie et des sacrements. Bien sûr, la liturgie est la source de la vie du chrétien, mais la dimension cultuelle la déborde. Rendre un culte à Dieu, c’est lui offrir toute sa vie en sacrifice saint (cf. Rom 12,1) et s’attacher à faire sa volonté au jour le jour. C’est, davantage encore, avoir le souci de ses frères, à commencer par les plus pauvres et les plus fragiles, en leur portant une attention fraternelle et pleine d’amour. On peut être ainsi momentanément privé de messes et des autres sacrements, cela ne constitue pas un empêchement pour vivre à plein la grâce de son baptême. Dans l’existence d’un chrétien, vie cultuelle et engagement social sont indissociables.
En bref, en prenant un peu de hauteur, s’il y a une relecture et un discernement à faire sur les événements que nous vivons, ceux-ci doivent se vivre autour de quatre dimensions qui appellent à être considérées dans une indissociable unité : les dimensions spirituelle (les légitimes aspirations d’accès aux sacrements), ecclésiale (l’attention portée à nos pratiques comme autant de signes d’unité et de charité de notre paroisse), sanitaire (éviter une 2ème vague épidémique et s’engager prioritairement à l’accompagnement des plus fragiles d’entre nous.
Mes amis, nous vivons une période déroutante à bien des égards, mais stimulante aussi et pleine de promesses pour l’avenir. En ce mois de mai, sachons nous mettre à l’écoute, avec Marie, de ce que l’Esprit Saint dit à notre Église. « Qu’il nous aide à discerner les signes des temps et mieux percevoir les attentes cachées des cœurs ». Qu’il nous maintienne dans l’espérance et la joie de ceux qui croient, malgré les vicissitudes de l’existence, que le Ressuscité marche avec nous sur la route et qu’Il est « avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (cf. Mt 28,20).
Je vous souhaite par avance de belles fêtes de l’Ascension et de la Pentecôte
Théotime, votre frère