16 juillet 1942 - Il y a 22 ans, la Rafle du Vel' d'Hiv — Paroisse de Gray

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16 juillet 1942 - Il y a 22 ans, la Rafle du Vel' d'Hiv

La rafle du Vélodrome d'Hiver, souvent appelée « rafle du Vél' d'Hiv » (aussi orthographiée « rafle du Vel' d'Hiv' » ou encore « rafle du Vél d'Hiv » est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Entre les 16 et 17 juillet 1942, plus de treize mille personnes, dont près d'un tiers d'enfants, sont arrêtées avant d'être détenues au Vélodrome d'Hiver1 — dans des conditions d'hygiène déplorables et presque sans eau ni nourriture pendant cinq jours —, mais aussi dans d'autres camps. Ils sont ensuite envoyés par trains de la mort vers le centre d'extermination d'Auschwitz. Moins d'une centaine d'adultes en sont revenus.

COMMÉMORATION DE LA RAFLE DU VEL' D'HIV'

 

Le choc de la rafle du Vél’ d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, fut tel que les églises de France protestèrent enfin officiellement contre la persécution des juifs. Documents inédits à l’appui, le Mémorial de la Shoah met au jour ces réactions tardives mais salutaires.

« Mon père, vous avez été notre 18 Juin spirituel. » Septembre 1944.
Au moment où l’issue de la guerre commence à poindre, Maurice Schumann, l’un des pères fondateurs de l’Union européenne, adresse ces mots au jésuite Pierre Chaillet, fondateur du mouvement résistant Témoignage chrétien.
En novembre 1941, ce groupe de catholiques et de protestants s’était ému de la timidité des Églises chrétiennes, en particulier de la hiérarchie catholique, face à la « nouvelle force païenne » que constituaient l’hitlérisme et « ses agents français ». Dans la clandestinité, les premiers Cahiers du témoignage chrétien jetaient les bases d’une résistance spirituelle fondée sur la doctrine chrétienne, avec une dénonciation du racisme et de l’antisémitisme.

Pie XII tient ferme la ligne de la neutralité
Pourtant, jusqu’à l’été 1942, peu de voix s’élèvent officiellement dans l’Église catholique. Pie XI a bien condamné le nazisme dans son encyclique de 1937, publiée en allemand, mais, depuis l’ouverture du conflit, le pape Pie XII, son successeur, tient ferme la ligne de la neutralité entre les belligérants, par souci diplomatique. En France, les évêques accueillent avec bienveillance le régime de Vichy.

« Ce sont des hommes du XIXe siècle, traumatisés par la séparation des Églises et de l’État, indiquent Nina Valbousquet et Caroline François, les commissaires de l’exposition « À la grâce de Dieu », les Églises et la Shoah, organisée au Mémorial de la Shoah. Vichy marque un retour de l’Église dans la société, en particulier à l’école. La prévalence de la peur du communisme chez de nombreux hommes d’Église peut aussi expliquer leur attitude conciliante. »
Les premières mesures antisémites – le statut des Juifs d’octobre 1940 – ne soulèvent donc pas l’opposition collective de la Conférence
 

LA LETTRE PASTORALE DE MGR SALIÈGE

Le 23 août 1942, Monseigneur Jules-Géraud Saliège, Archevêque de Toulouse, envoyait une lettre aux curés du diocèse pour qu’elle soit lue le dimanche dans toutes les églises. Dans cette lettre, l’évêque réagissait fortement contre le traitement infligé aux juifs. Cette lettre, sur la personne humaine, écrite il y a maintenant 82 ans, a fait date et continue d’être d’actualité.

  • Le contexte

1942. Alors que la France discrimine et persécute les populations juives dans le cadre de la collaboration entre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie, le préfet de la Haute-Garonne ordonne la déportation de Juifs des camps de Noé et de Récébédou vers les camps de la mort. Cette même année, la France connaitra l’horreur de la rafle du Vel-d’Hiv.

Informé, l’archevêque de Toulouse écrit et fait diffuser, le 23 août 1942, une lettre où il dénonce vigoureusement les violences faites aux Juifs et le mépris des droits des personnes. Cette lettre, dont le gouvernement français a essayé de bloquer la diffusion, sera largement reprise et diffusée par le Vatican et sur les ondes de la BBC.

«  Il y a une morale chrétienne, écrit Monseigneur Saliège, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. (…) Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. »

Ces mots vont résonner aux oreilles de la population française. Ils vont encourager de multiples initiatives ou encore accompagner des Français dans la lutte contre la persécution des Juifs entraînant de nombreux actes de solidarité tant individuels que collectifs. Mgr Saliège va même jusqu’à mettre à disposition les ressources du diocèse de Toulouse pour aider des filières de protection de Juifs et sera, pour ces raisons, arrêté par le Gestapo - avant d’être relâché pour état de santé. Tout un “réseau Saliège” se met en place.

Après la guerre, unanimement reconnu, il sera fait compagnon de la Libération par Charles de Gaulle en 1945, recevra le titre de Cardinal en 1946 et celui de Juste parmi les nations en 1969.

  • La lettre de Monseigneur Saliège

« Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On
peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et
embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.

Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe‐t‐il plus ?
Pourquoi sommes‐nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre‐Dame, priez pour la France.

Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes, les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.

France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.

Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement. »

Jules‐Géraud Saliège,
archevêque de Toulouse, 23 août 1942
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  • Biographie de Mgr. Saliège

D'origine paysanne, Jules Géraud Saliège est né le 24 février 1870 à Mauriac dans le Cantal.
Il fait ses études au Petit Séminaire de Pleaux puis au Grand Séminaire d'Issy-les-Moulineaux.
Il est ordonné prêtre en septembre 1895 et devient à son tour professeur au Petit Séminaire de Pleaux.
En 1905 il est nommé professeur puis, en 1907, supérieur du Grand Séminaire de Saint-Flour.
Mobilisé en août 1914, il participe à la Grande Guerre comme infirmier puis comme aumônier militaire. Affecté à la 163e Division d'infanterie, l'Abbé Saliège, sur le front, se dépense sans compter, visitant quotidiennement les tranchées malgré les violents bombardements pour y donner ses soins et ses consolations aux blessés.
Démobilisé en octobre 1917 après avoir été intoxiqué par les gaz, il reprend ses fonctions à Saint-Flour avant d'être nommé évêque de Gap en 1925 puis archevêque de Toulouse en 1928. Ouvert sur son temps et pragmatique, doté d'une forte personnalité et d'un caractère volontiers autoritaire, il est l'ennemi de tous les totalitarismes : communisme, fascisme et ensuite nazisme.
Victime d'un accident vasculaire cérébral en 1932, Jules Saliège est atteint par une paralysie progressive qui ira jusqu'à l'empêcher de parler.
En avril 1933, il dénonce publiquement l'antisémitisme hitlérien lors d'une réunion au théâtre du Capitole à Toulouse. Il est par ailleurs régulièrement informé de la politique nationale socialiste par le Père de Naurois, aumônier adjoint de la colonie de langue française à Berlin de 1937 à 1939.
D'autre part, dans les années trente, l'Institut catholique de Toulouse que préside monseigneur Saliège et plus largement le diocèse de Toulouse met sur pied des structures d'accueil des familles de républicains espagnols réfugiés et plus tard, après septembre 1939, des étudiants polonais. Ces actions sont menées sous l'autorité de Jules Saliège et en particulier par Monseigneur de Solages, recteur de l'Institut catholique de Toulouse, et Monseigneur de Courrèges, évêque auxiliaire de Toulouse.

Après la débâcle de juin 1940, Jules Saliège poursuit ses activités ecclésiastiques mais, dès le mois de mars 1941, prend ses distances avec le gouvernement de Vichy, n'admettant ni ses principes totalitaires, ni sa législation antisémite.
L'institut catholique toulousain accueille désormais des intellectuels et des étudiants juifs frappés progressivement d'interdiction de travailler par la législation de Vichy.

Patronnant des œuvres caritatives en faveur des détenus des camps de Noé et Récébédou ouverts début 1941, réservés aux étrangers et notamment aux Israélites, Monseigneur Saliège s'insurge contre le sort réservé aux Juifs dont le départ vers les camps d'extermination allemands commence le 3 août 1942 sous la direction de la Police de Vichy.
Ainsi, il ordonne la lecture publique le 23 août 1942 dans son diocèse d'une lettre pastorale restée célèbre dans laquelle il affirme : « les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes... Tout n'est pas permis contre eux... Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier. » Bien qu'interdite par arrêté préfectoral, la lecture de cette lettre a quand même lieu dans la plupart des paroisses et surtout, sera reprise et diffusée sur les ondes de la BBC à Londres.

A partir de ce moment, Monseigneur Saliège participe pleinement à l'organisation de placement des Juifs, enfants et adultes, menacés par la déportation dans des lieux sûrs aux alentours de Toulouse.
Après de nouvelles attaques portées contre le totalitarisme du National-socialisme, l'Archevêque de Toulouse manque d'être déporté à son tour. Le 9 juin 1944, alors qu'une vague d'arrestation frappe le diocèse de Toulouse, deux hommes de la Gestapo se rendent à son domicile afin de l'arrêter ; ils n'y renoncent finalement qu'après avoir constaté l'âge et l'état de santé précaire du prélat.
Après la libération, considéré comme le premier résistant de la ville, il est acclamé par 20 000 personnes sur la place du Capitole.
Le 18 février 1946, il est décoré de la Croix de la Libération par Pierre Bertaux, commissaire de la République et en mai de la même année, il reçoit ses insignes de Cardinal.
Le Cardinal Jules Saliège est décédé à Toulouse, le 5 novembre 1956. Il a été inhumé dans la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse.

• Officier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 7 août 1945
• Croix de Guerre 14/18
• Croix du Combattant 14/18
• Médaille des Justes de Yad Vashem (Israël)
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Lire encore ...

Samedi 16 juillet 2022, la lettre de Mgr Saliège est lue dans les synagogues en France, pour rendre hommage à l’évêque qui a soutenu la communauté juive en 1942. Haïm Korsia, grand rabbin de France, et Christophe Le Sourt, prêtre chargé des relations avec le judaïsme dans l’Église, expliquent ce symbole.

"La Vie"  - Juillet 2022

Lue dans les chaires des églises du diocèse de Toulouse à l’été 1942, la lettre de protestation de Mgr Saliège a eu une portée retentissante dans l’opinion publique, à commencer par la communauté catholique. 80 ans plus tard, elle est lue cette fois dans un contexte mémoriel, devant les bancs des synagogues françaises. Haïm Korsia, grand rabbin de France, a en effet demandé à l’ensemble des synagogues en France de faire la lecture de cette lettre ce samedi 16 juillet, pendant les offices du shabbat.

Ce geste symbolique prend une dimension particulière au moment de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vélodrome d’Hiver. Le 16 juillet 1942, en pleine Occupation, des milliers de Juifs sont arrêtés à Paris. Mgr Saliège, évêque du diocèse de Toulouse, rédige alors une lettre pastorale pour exprimer publiquement son indignation : « Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu (…). Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. »

  • Un impératif de fraternité

Alors que peu de voix s’élèvent jusqu’alors dans l’Église catholique, la lettre de Mgr Saliège, datée du 23 août 1942, est rapidement suivie de quatre lettres pastorales des évêques de la zone libre pour protester contre les rafles. Les évêques avaient alors demandé à ce que les lettres pastorales soient lues en chaire pendant la messe du dimanche, et la recommandation avait été appliquée par la plupart des curés de ces diocèses.

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a ainsi envoyé un courrier à l’ensemble des synagogues dépendantes du Consistoire israélite (l’institution chargée d’administrer le culte israélite en France) pour demander aux responsables des cultes locaux de lire la lettre de Mgr Saliège, en signe d’hommage à l’Église.

« Cette lettre a rappelé à tous l’impératif chrétien de fraternité et elle a contribué à sauver les trois quarts des Juifs de France de la déportation, estime Haïm Korsia. Les évêques qui ont rédigé ces lettres ont pris des risques parce qu’ils ont rappelé la France à ses devoirs humanistes. Il faut se rappeler que Mgr Théas a été emprisonné pour avoir protesté », ajoute-t-il, en référence à l’incarcération de l’évêque de Montauban de juin à septembre 1944, arrêté par la Gestapo.

Pour l’Église, cette prise de position du Consistoire israélite apparaît aussi comme un geste très fort en faveur des relations judéo-chrétiennes. La lecture d’une lettre pastorale dans les synagogues est une démarche inédite dans l’histoire de la commémoration du Vél’ d’Hiv.

  • Aller plus loin dans le dialogue judéo-chrétien

« C’est très émouvant de savoir que cette lettre va être lue pendant les offices dans les synagogues, encore plus au moment du shabbat, se réjouit Christophe Le Sourt, prêtre chargé des relations avec le judaïsme pour la Conférence des évêques de France (CEF). C’est une façon de faire mémoire de ces journées d’horreur de juillet 1942 et de montrer que des voix d’humanité se sont malgré tout élevées. Les chrétiens sont aussi invités à se rappeler comment la communauté des croyants a pu aider des Juifs pendant l’Occupation, et comment elle peut perpétuer cette parole d’humanité aujourd’hui. »
 

 

 « Il n’est permis à personne de passer avec indifférence devant la tragédie de la Shoah» 
rappela sans cesse le pape Jean-Paul II.

Se souvenir est important : ce n’est pas cultiver la nostalgie ou la culpabilité ; c’est une démarche de croyant, nous dit le pape François ; c’est une démarche d’homme libre, désireux de choisir la vie et non la mort (Dt) .

« Nous voici, Seigneur, avec la honte de ce que l’homme, créé à ton image et à ta ressemblance, a été capable de faire.
Souviens-toi de nous dans ta miséricorde. »


Prière du pape François à Yad Vashem en juillet 2014 : : « Jamais plus Seigneur, jamais plus ! »
Un texte rempli d’interrogations face la « tragédie incommensurable de l’Holocauste », dont voici le texte intégral :

« Adam, où es-tu ? » (cf. Gn 3, 9)
Où es-tu, homme ? Où es-tu passé ?
En ce lieu, mémorial de la Shoah, nous entendons résonner cette question de Dieu : « Adam, où es-tu ? ».
En cette question il y a toute la douleur du Père qui a perdu son fils.
Le Père connaissait le risque de la liberté ; il savait que le fils aurait pu se perdre. Mais peut-être, pas même le Père ne pouvait imaginer une telle chute, un tel abîme !
Ce cri : « Où te trouves-tu ? », ici, en face de la tragédie incommensurable de l’Holocauste, résonne comme une voix qui se perd dans un abîme sans fond.
Homme, qui es-tu ? Je ne te reconnais plus.
Qui es-tu, homme ? Qu’est-ce que tu es devenu ?
De quelle horreur as-tu été capable ?
Qu’est-ce qui t’a fait tomber si bas ?
Ce n’est pas la poussière du sol, dont tu es issu. La poussière du sol est une chose bonne, œuvre de mes mains.
Ce n’est pas l’haleine de vie que j’ai insufflée dans tes narines. Ce souffle vient de moi, c’est une chose très bonne (cf. Gn 2, 7).
Non, cet abîme ne peut pas être seulement ton œuvre, l’œuvre de tes mains, de ton cœur… Qui t’a corrompu ? Qui t’a défiguré ? Qui t’a inoculé la présomption de t’accaparer le bien et le mal ?
Qui t’a convaincu que tu étais dieu ? Non seulement tu as torturé et tué tes frères, mais encore tu les as offerts en sacrifice à toi-même, parce que tu t’es érigé en dieu.
Aujourd’hui, nous revenons écouter ici la voix de Dieu : « Adam, où es-tu ? ».
Du sol s’élève un gémissement étouffé : Prends pitié de nous, Seigneur !
A toi, Seigneur notre Dieu, la justice, à nous le déshonneur au visage, la honte (cf. Ba 1, 15).
Un mal jamais survenu auparavant sous le ciel s’est abattu sur nous (cf. Ba 2, 2). Maintenant, Seigneur, écoute notre prière, écoute notre supplication, sauve-nous par ta miséricorde. Sauve-nous de cette monstruosité.
Seigneur tout-puissant, une âme dans l’angoisse crie vers toi. Écoute, Seigneur, prends pitié.
Nous avons péché contre toi. Tu règnes pour toujours (cf. Ba 3, 1-2).
Souviens-toi de nous dans ta miséricorde. Donne-nous la grâce d’avoir honte de ce que, comme hommes, nous avons été capables de faire, d’avoir honte de cette idolâtrie extrême, d’avoir déprécié et détruit notre chair, celle que tu as modelée à partir de la boue, celle que tu as vivifiée par ton haleine de vie.
Jamais plus, Seigneur, jamais plus !
« Adam, où es-tu ? ».
Nous voici, Seigneur, avec la honte de ce que l’homme, créé à ton image et à ta ressemblance, a été capable de faire.
Souviens-toi de nous dans ta miséricorde.

« A LA GRÂCE DE DIEU »
Les églises et la Shoah
Lire ici

 

Les 16 et 17 juillet 1942, la police de Vichy organise une vaste rafle au sein de la communauté juive parisienne. La plupart des raflés vont être déportés à Auschwitz. Alors que la France est occupée par le régime nazi, environ 13.000 juifs parisiens, dont près d’un tiers d’enfants sont arrêtés. Une partie d’entre eux, bien souvent des familles, sont conduits au Vélodrome d’Hiver, le Vél' d'Hiv' dans le 15e arrondissement de Paris. Pendant plusieurs jours, les juifs raflés vont ainsi vivre entassés sans eau et sans nourriture dans des conditions sanitaires déplorables. Plusieurs d’entre eux allant jusqu'à se suicider, les fugitifs étant abattus. Tous seront ensuite transférés dans les camps de Drancy, Beaune-la-Rolande, ou Pithiviers puis déportés vers Auschwitz. 

  • La préparation de l'opération « Vent printanier »

Le 10 juillet 1942 allait se tenir une conférence préparatoire à l'opération « Vent printanier , un nom bucolique décrivant,de fait la future rafle du Vel' d'Hiv'. Le 13 juillet, une circulaire du préfet de police de Paris prévoyait une rafle de 27 361 Juifs étrangers et apatrides (y compris tous ceux que Vichy venait de dénaturaliser). Mais la circulaire allait fuiter et la moitié des juifs visés parviendrait à fuir in extremis.

Le 16 juillet, à 4 heures du matin, pour éviter le regard de la population, munis d'une liste de 27 391 noms, 9 000 policiers et gendarmes commencent donc à écluser les arrondissements pour rafler le plus de juifs possibles. Au total, le 17 juillet, après une trentaine d'heures de traque, la police parisienne aura raflé 12 884 juifs. Dont une majorité de femmes et d'enfants (4.051 enfants et 5.802 femmes). Du jamais vu ! Les rafles précédentes s’en étaient tenues aux hommes et aux jeunes de plus de 16 ans. Arrêtés, les raflés allaient être conduits au vélodrome d'Hiver de Paris ou à Drancy.

Il existe peu d'images ou de photos d'époque, ce n'est qu'à la fin des années 1960 que les études et les témoignages vont commencer à émerger. Notamment à travers un ouvrage intitulé La Grande Rafle. Cette description circonstanciée des faits installe dans l'imaginaire collectif la rafle comme un symbole des persécutions contre les juifs, et le Vel'd'Hiv', comme l'antichambre à la déportation et à l’extermination.

  • Raconter l'indicible

Après la guerre, une chape de plomb a recouvert le drame du Vel d’Hiv'. Le bâtiment a été finalement détruit en 1959. il faudra encore attendre 3 ans pour qu'une plaque soit inaugurée à l’occasion des vingt ans de la rafle du Vel d’hiv (nous n'avons pas d'archives de cet événement commémoratif dans nos archives). Ce jour-là, quelques 10 000 personnes étaient pourtant venues assister à la cérémonie de commémoration.

Trente ans après la rafle, en 1972, le journal de 20H00 retraçait en images le déroulement de ces journées du 16 et 17 juillet 1942. Dans cette archive à découvrir ci-dessous, de nouveaux témoignages édifiants venaient éclairer ces deux jours sombres de l'histoire française. Un parisien travaillant alors dans un dispensaire juif rue Amelot décrivait ce qu'il avait vu. Parmi les enfants déportés, quelques-uns avaient survécus, à l'instar de Lazare Pytkowicz, 14 ans à l'époque. Il racontait comment, raflé avec ses parents, il avait réussi à s'échapper profitant d'un moment de confusion lorsque les mères privées de lait avait forcé les policiers à les laisser traverser la rue jusqu'à une épicerie voisine pour acheter de quoi nourrir leurs enfants. Le pire déclarait-il, c'est qu'elles étaient ensuite retournées dan l'enceinte mortifère.

Faute d'eau, de nourriture et de médicaments, la situation sanitaire allait dégénérer rapidement dans le vélodrome où se multipliaient les crises de folie, les suicides et les décès. Deux médecins juifs rescapés évoquaient ici les cris et les pleurs des enfants, les malades de la scarlatine, précisant qu'« à chaque fois c'était un refus absolu de traiter ces malades ou de les évacuer ». Seuls trois médecins et quelques infirmières de la Croix-Rouge auront été finalement autorisés à intervenir auprès des raflés rassemblés.

L'évacuation allait se dérouler 6 jours plus tard, les prisonniers étant transféré vers le camp de Drancy puis vers Auschwitz, d'où il ne reviendrait jamais. Le philosophe Vladimir Jankélévitch concluait ce reportage émouvant en évoquant la question du pardon, soulignant la différence à ses yeux entre l'oubli et le pardon : « L'oubli nous n'avons pas le droit... le pardon est une bouffonnerie ».
 

 

L’EFFROYABLE BILAN DE LA RAFLE DU VEL' D'HIV

La Croix (Matthieu Lasserre)

  • Les faits 

Les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 Juifs, hommes, femmes et enfants sont arrêtés à Paris lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver. Très peu d’entre eux parviendront à échapper à la déportation au camp d’extermination d’Auschwitz et à la mort. Retour sur l’un des épisodes les plus marquants de la Shoah en France.
À 4 heures du matin, le 16 juillet 1942, une opération de grande ampleur est lancée dans les rues de Paris et de sa proche banlieue. Plusieurs milliers de policiers, agissant par binômes, font irruption dans les domiciles de familles juives. La rafle du Vél’ d’Hiv commence.

  • Un objectif de 25 000 Juifs déportés

Neuf jours plus tôt, dans la capitale française occupée par l’Allemagne nazie, se préparent les contours de l’opération. Sous la conduite des autorités françaises et parisiennes, notamment du préfet de police et concepteur du « fichier juif » André Tulard, une liste de 24 000 à 25 000 juifs étrangers est établie. Elle comprend les hommes juifs âgés de 16 à 60 ans et les femmes juives de 16 à 55 ans.

Consigne est donnée d’épargner certaines personnes, notamment les mères proches de l’accouchement ou allaitant, les enfants, les vieillards, les femmes de prisonniers de guerre ou encore les parents dont l’un des enfants au moins n’est pas juif. Mais lors de la rafle, ces dérogations ne seront pas prises en compte : le « tri » s’effectuera dans les centres de rassemblement.

Un peu plus de la moitié des Juifs ciblés seront finalement emmenés par la police française. Au total, entre le 16 et le 17 juillet 1942, 13 152 Juifs sont arrêtés. Parmi eux figurent 4 115 enfants, 5 919 femmes et 3 118 hommes, dont des Juifs français. Grâce à l’aide de résistants et parfois de policiers, un certain nombre de personnes listées échappent à une arrestation qui les aurait conduites à une mort certaine.

  • Peu de survivants

Les détenus sont d’abord dirigés vers des « centres primaires de rassemblement », c’est-à-dire des gymnases ou des écoles, avant d’être envoyés pour une partie au camp de Drancy (5 000 personnes environ) ou, à partir du 19 juillet, au Vélodrome d’hiver, dans le 15e arrondissement de Paris, à l’angle de la rue Nélaton et du boulevard Grenelle.

Plus de 8 000 personnes sont alors parquées pendant plus de deux semaines dans le stade, vivant dans des conditions d’hygiène déplorables. Ceux qui tentent de fuir sont fusillés, une centaine de prisonniers se suicident.

Les captifs sont déportés à partir du 5 août vers les camps de Drancy (actuelle Seine-Saint-Denis), Beaune-la-Rolande et Pithiviers (Loiret). Contrairement aux ordres initiaux, les enfants de plus de 12 ans accompagnent les adultes. À la mi-août, les plus jeunes, séparés de leurs parents, y seront eux aussi déportés. Un très faible nombre de Juifs parviendront à s’échapper de ces camps.

De cette rafle, tous les détenus seront déportés vers Auschwitz. À peine une centaine d’adultes survivront au tristement célèbre camp de la mort. Aucun enfant ne reviendra de cette déportation vers la Pologne. Près d’un tiers des quelque 42 000 Juifs de France envoyés à Auschwitz en 1942 l’a été lors de cette opération de police, qui demeure aujourd’hui l’un des symboles de la Shoah, la politique d’extermination conduite par les nazis.